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El Rocío chico, intime et grandiose

L'Espagne - l'Andalousie en particulier - se souvient encore de la période napoléonienne. Plusieurs villes furent totalement détruites et leurs populations passées par le fil de l'épée. Goya fut le "photographe" de ces pages noires de l'Histoire. Ses peintures et gravures sont là pour rappeler toute l'horreur de ces massacres. Pourtant, une petite ville - Almonte - a le privilège de commémorer son sauvetage. 

 

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El Rocío - 17 août 1810, le soir tombe. Les troupes napoléoniennes sont installées à Almonte. L’Etat-major du capitaine Pierre d’Ossaux est installé dans la riche demeure de la famille Cepeda.

Les Français « engagent » les almonteños afin de former une garde civique. Ce n’est pas du goût des habitants. Dans la nuit, 39 valeureux habitants prennent d’assaut l’Etat-major français. Le Capitaine d’Ossaux est tué ainsi que cinq soldats.

 

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Le maréchal Soult, commandant les troupes françaises en Andalousie, est dans la ville proche de Palma de Condado.

La vengeance va s’abattre sur la cité et sa population, comme ce fut le cas si souvent durant la traversée de l’Espagne.

Soult ordonne à huit cents soldats de se préparer à mettre la ville à sac, l’incendier et égorger sa population.

Les hommes sont prêts à vendre chèrement leur peau. Les autorités civiles et religieuses ont été emprisonnées. Les femmes et les enfants se sont retirés dans l’église et invoquent dans leurs prières la Virgen del Rocío.

 

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Le jour se lève et, avec lui, les soldats français.

Mais que se passe-t-il ?

Les militaires démontent les tentes, rassemblent le matériel, se préparent à partir. Le bataillon prévu pour la tâche infamante, comme les autres soldats, lève le camp.

Au cœur d’Almonte, chacun retient son souffle.

En échange du massacre assuré, Almonte devra s’acquitter d’un impôt. La ville est sauvée.

Ce ne peut être que la Virgen del Rocío qui a entendu les prières des almonteños et les a protégés de la soldatesque.

 

Action de grâce

En 1812. Les troupes napoléoniennes se retirent d’Espagne. Le 16 août 1813, les autorités religieuses commémorent pour la première fois la protection mariale. Cette cérémonie prendra le nom de Rocío chico.

En règle générale, il s’agit d’une commémoration intimiste qui ne concerne que les habitants du cru. Pas de démonstration de masse comme cela se fait à l’occasion de la Romeria de Pentecostés, pas de sortie de la Virgen del Rocío ! Dès le 16 août, juste des offices et, dans la nuit du 18 au 19, un rosaire sur le parcours habituellement emprunté par la Vierge.

 

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Mais à l’occasion du bicentenaire du Rocío chico (19 août 2013), la Virgen del Rocío a été processionnée. Moins de décorum mais autant de dévotion de la part des fidèles tout acquis à leur Vierge, autant de douce folie, autant de cohue, autant d’émotion,…

 

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La Vierge est « baladée » au gré des poussées de la foule. De gauche, de droite, les porteurs ne sont pas maîtres de la situation. Les enfants passent de mains en mains jusqu’à atteindre le paso. Ils touchent la robe et s’en reviennent dans les bras de leurs parents de la même manière.

 

Une dame en béquilles est encadrée de ses deux filles. Elle attend le passage de la Vierge. Elle espère la voir au plus près. La bousculade est proche. La dame reste stoïque et ne répond pas aux injonctions de ses enfants qui l’enjoignent de se retirer, à tout le moins, de se mettre à l’abri. Elle n’en a cure. Lentement, elle s’avance, soutenue par ses filles. Elle atteint les premiers rangs de fidèles dépenaillés dans la cohue, suant à grosses gouttes, sentant le sable et la fatigue de la nuit,… Un cri ! Rien n’y fait ! Un second cri ! Le paso semble s’arrêter. Il reprend son équilibre souvent précaire. Les « gros bras » s’écartent devant cette petite vieille volontaire. Elle atteint la Vierge, se signe, touche la robe. Ils sont forts, les almonteños. ils braillent, les almonteños mais ils ont un cœur gros comme leurs bras, les almonteños. Ils pleurent aussi, les almonteños.

La dame est heureuse. Ses yeux ont un éclat à nul autre pareil. Elle se sait protégée. Tant bien que mal, elle s’en retourne, jette un dernier regard vers la Virgen del Rocío, sa Vierge… qui semble la couvrir de ses yeux.

Le cercle des almonteños se referme. Le brouhaha reprend et la Vierge se voit de nouveau menée de-ci, de-là.

 

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Les cloches des locaux des hermandades me résonnent encore dans les oreilles. Une jeune-fille dépasse de la foule. Elle tend les bras vers la Vierge qui s’approche. Elles sont face à face. Les cloches cessent de sonner. Le brouhaha s’estompe. Une voix monte vers le ciel. Les notes de guitare sont à peine audibles. Les « Ole », « Viva la Blanca Paloma », « Viva la Madre de Dios »,… marquent les temps morts de la chanteuse. Autour d’elle, des jeunes de son âge ne peuvent retenir leurs larmes.

 

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Le périple s’achève. La Vierge revient dans son église, derrière ses grilles protectrices. Les applaudissements vont à tout va. Les chants et les incantations montent vers le ciel. Lentement, le calme revient. Lentement, les fidèles s’en retournent. Lentement, El Rocío retombe dans sa torpeur.

 

C’est tout cela El Rocío… et plus encore !

El Rocío a ceci de particulier que si vous y êtes venu une fois, vous ne pourrez pas faire sans y revenir. Il est simple, il est particulier, mais surtout, il est attirant.

C’est tout cela l’Andalousie « de verdad »… et plus encore !

Ce n’est pas sur la Costa del Sol que l’on apprend à aimer l’Andalousie mais sur les chemins de la sierra, lors de la Madruga de Sevilla, ou tout simplement dans le sable d’El Rocío. 



15/12/2013
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